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Karak Vanne
30 septembre 2012

Saison 1 - Episode 5 - Le Cadeau d’Anniversaire

            Arzhiel s’enfonça dans la galerie silencieuse plongée dans les ténèbres en réajustant ses fourrures. A la lueur blafarde de sa lanterne, il aperçut une silhouette sur le côté. Avec surprise, il reconnut Hjotra, son ingénieur en chef, assis sur une stalagmite brisée, seul dans le noir. D’un air rêveur, le nain lançait machinalement des petits morceaux de cadavres de rats en direction de chauves-souris endormis plus loin, comme du pain aux oiseaux.

 - Qui va là ? demanda-t-il en clignant des yeux face à la lumière.

- La reine des trolls, répondit Arzhiel en approchant.

- Sérieux ? Bah, mince alors !

- Mais non, c’est moi, tête de pioche ! fit le seigneur en s’approchant. Vous avez une raison particulière de traîner au fond des grottes sacrées au beau milieu de la nuit, en robe de chambre et dans le noir ou vous avez finalement perdu l’esprit ?

- J’arrivais pas à dormir, messire, répondit Hjotra en tripotant son bonnet de nuit à pompons.

- Et les gardes vous ont laissé passer ?

- Ils roupillaient dans un coin quand je suis arrivé.

- Je demande, naïvement, moi aussi…

- Mais et vous, seigneur ? Vous ne dormez pas ?

- Si, mais euh…c’est mon épouse…Elle était d’humeur badine et ne dormait pas, elle. Remarque, j’aurais dû me douter quand elle a débarqué dans la piaule avec juste deux bouts de tissus sur la croupe. Je me suis barré avant qu’elle se décide à me sauter sur le poil.

             Arzhiel eut un frisson de dégoût qui lui parcourut tout le corps pendant que Hjotra le regardait d’un air compatissant. Le chef de guerre hésita un instant devant l’air encore plus absent que d’habitude de son lieutenant et alla s’asseoir à contrecœur près de lui.

 - Je vous écoute. Qu’est-ce qui vous turlupine ? 

- C’est à propos de ce qu’a dit Svorn aujourd’hui.

- Quoi ? Que vous étiez plus bigleux qu’abruti, et plus abruti que couard ?

- Non, ça c’est normal. En plus c’est pas tout à fait faux.

- Je ne vous le fais pas dire, murmura Arzhiel.

- Il a dit que je n’étais responsable des armes de siège que par hasard.

- Ah, ça c’est faux, par contre ! Je vous ai moi-même choisi et désigné à ce poste. Enfin, bon…la vérité, c’est qu’à l’époque j’avais absolument besoin d’un ingénieur et comme j’étais en froid avec la Guilde à cette époque, ils ont voulu me refiler que vous. C’était de bonne guerre…Vous êtes rassuré ?

- Pas vraiment. J’ai parfois l’infime impression de ne pas vous apporter satisfaction en tant que soldat. Regardez, à la dernière bataille, j’ai chargé mais j’ai pris le manche de mon marteau dans les noix. Bon, je l’avais mal passé à ma ceinture et avec l’élan…Résultat, j’ai rien vu des combats et je n’ai pu remarcher qu’une heure plus tard.

- Et reparler, deux heures après, acquiesça Arzhiel. Je me souviens.

- Et la fois où j’ai confondu nos éclaireurs avec des drows. C’était rageant en plus, c’était la première fois que j’en touchais autant à la catapulte !

- C’était quand Brandir vous a rasé le crâne et vous a fait la tronche un mois durant pour avoir buté ses soldats ? Ah ouais, c’était…pathétique. Bon, vous avez encore un peu de mal avec l’exercice de terrain, mais ça viendra. Vous n’avez même pas cent ans !

- Vous êtes gentils, seigneur.

- Ou terriblement sot, question de point de vue. Si vous voulez m’impressionner, il va aussi falloir vaincre votre peur des gobelins. Je vous ai vu gueuler comme une pucelle quand on a lapidé ces réfugiés gobelins sous la muraille !

- Je n’ai pas peur des gobelins ! se défendit Hjotra, ses pompons dansant alors qu’il niait farouchement. C’est juste parce qu’ils ressemblent à des enfants.

- Des enfants ?! Les enfants vous collent les miquettes ?!

- Maaaaaais ! Ils sont tout petits et bizarres ! Quand ils bougent, on dirait Svorn lorsqu’il joue au ventriloque avec les cadavres des sacrifiés. Et leurs regards ! Et quand ils parlent, on comprend rien.

- Ça, c’est plutôt un concept qui vous est familier, pourtant.

- Comment vous voulez dire, seigneur ?

- … Non, rien, soupira Arzhiel. Bon, vous êtes une bille. Si encore vous étiez le seul ou que j’avais mieux sous la main, je vous foutrais au trou et tout serait réglé. Mais jusqu’à ce que ça arrive, on va devoir se supporter et prendre chacun sur soi. Vous percutez ?

             Hjotra fixait son seigneur d’un air pensif, jusqu’à ce que Arzhiel comprenne qu’il était captivé par le balancement de son pompon sous ses yeux. Ce dernier le lui arracha et après le lui avoir enfoncé dans sa bouche entrouverte, le pressa à le suivre.

 - Vous savez pourquoi ces grottes sont sacrées, pauvre hère ? Parce qu’elles renferment le reliquaire où on conserve nos trésors.

- C’est là que vous alliez, messire ? fit Hjotra, son bonnet mâché à la main.

- Demain, c’est l’anniversaire de ma femme et il me faut un présent. Je vais lui refourguer une de nos babioles. L’an passé, j’avais oublié. Le matin, je me suis réveillé avec une fournée de serpents et de cafards dans le pieu. Croyez-moi, j’ai eu de meilleurs réveils agonisant dans la boue gelée d’un champ de bataille.

- Alors, Dame Elenwë pratique encore la magie ?

- Si ce vieux débris m’avait dit que la récompense de ma quête serait une sorcière elfe à prendre pour épouse au lieu d’un sac d’or, il servirait aujourd’hui encore de cible à vos balistes ! Maintenant je dois lui offrir absolument un cadeau.

- Argh, une elfe, éructa l’ingénieur avec le même frisson de dégoût que son chef. Mais pourquoi un présent ? Je croyais que vous pouviez pas la blairer ?

- Vous êtes lents….Quand elle me fait pousser une queue de porc sur le derche ou qu’elle me colle de la vermine au fond du plumard, je vous assure que la seule chose que j’ai envie de déposer sur ses joues délicates, c’est un bon gros taquet. Mais mis à part la peur, la révulsion et le mépris, on finit par s’attacher au bout de cinquante ans. Comme une vieille blessure de guerre horrible et handicapante. C’est laid, ça vous pourrit la vie, puis on s’habitue à la voir vous bouffer et on finit par l’exhiber pour déconner devant les copains.

             Arzhiel se retourna une fois arrivé devant une large porte.

 - Allez, zou, fit-il avec un sourire contrit. Rentrez là-dedans et allez me chercher une broutille, un casque d’ornement, une massue hérissée de pointes, une tête d’orc empaillée, n’importe quoi, on s’en balance, l’autre cruche n’a aucun goût de toute façon. Vous vouliez une mission d’importance. Je vous confie celle-ci.

             Hjotra n’eut pas l’air de tout comprendre, mais Arzhiel le poussa à l’intérieur du reliquaire d’une bourrade.

 - Ah ! Prenez ça, lui dit-il en lui fourrant sa bourse contenant les morceaux de cadavres de rats dans la main. Ça vous servira.

- A quoi, seigneur ?

- Un cerbère protège le reliquaire des voleurs. Vous lui donnerez vos saloperies, là. Ça lui servira d’apéritif…

             Hjotra fronça les sourcils, mais Arzhiel lui claqua la porte au nez avant qu’il n’ouvre la bouche.

 - Et magnez-vous. Si je me réveille avec le moindre reptile dans les bras, je vous force à devenir l’amant de l’autre garce !

 

                       

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Karak Vanne
  • Karak Vanne est une série humoristique se situant dans un univers médiéval fantastique, à mi-chemin entre Noob, Le Donjon de Naheulbeuk et la série Kaamelott. Elle raconte les mésaventures d'un clan de nains, de son seigneur et les boulets qui l'entourent.
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